Interview de Nohad Azzi, Présidente de Libami Beyrouth.

  • Bonsoir Nohad. 
    Ce soir, les informations que nous recevons semblent alarmantes pour le Liban.
    Que ressentez-vous ?
    Qu’entendez-vous ?
    Que voyez-vous ?
    Racontez-nous votre semaine à libami
    . ?

 

Bonjour,

Dans mon pays, le Liban, la guerre laisse des milliers de déplacés errant sans toit, cherchant refuge là où il n’y a plus de place. Dans les rues de Nabaa, les explosions brisent le silence, accompagnées de regards hantés, de blessures ouvertes et d’un pays en ruine. La peur de tout perdre, jusqu’à la vie elle-même, pèse sur chaque famille.

 

Je ressens une tristesse profonde pour ce beau pays, un goût amer qui me ramène à ma propre fuite, quand j’ai dû abandonner ma maison, la voyant dévorée par les flammes, pièce après pièce. La peur est devenue ma seule compagne, s’insinuant dans mes pensées comme une ombre fidèle. Quel avenir attend mes petits-enfants ? Doivent-ils rester ici, enchaînés à un Liban rongé par le danger ? Mes pensées s’égarent, épuisées par l’angoisse. Je ne sais plus comment envisager l’avenir; tout semble si lourd, si insoutenable.

 

Le désespoir résonne dans chaque cri d’aide, chaque appel, chaque larme. Des familles entassées à vingt dans une pièce, des enfants qui dorment sur des matelas dans les couloirs, privés de tout : nourriture, vêtements, chaussures, et surtout, de leurs rêves.

 

Libami, notre refuge, ouvre ses portes chaque jour, y compris le weekend, pour distribuer du pain, écouter ces familles brisées, apaiser les âmes. Chaque matin, les assistantes sociales reçoivent les familles, qui leur racontent leur chagrin et cherchent du réconfort.

 

Dans chaque regard, malgré tout, je perçois l’espoir, la foi en des jours meilleurs, une faim de paix plus forte que tout. Pourtant, chaque appel, chaque demande non satisfaite me brise un peu plus. Ce travail est un acte d’amour quotidien, où chaque membre de Libami s’investit comme dans une ruche, animée par le même désir de protéger les plus vulnérables.

 

À la fin de chaque journée, je prie pour la force de continuer cette mission, commencée en 1987, avec la certitude que, malgré la nuit qui s’étend, un jour la paix l’emportera.

 

Nohad Azzi

 

 

 

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